Il y a 50 ans, le 22 septembre 1970, 3000 personnes se retrouvaient dans l’église de Sainte-Paule pour protester contre la fermeture annoncée de leurs villages. Deux autres Opérations Dignité suivront en 1971, à Esprit-Saint et aux Méchins.

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Quelque part sur le bord d’un chemin forestier d’un plateau bas-laurentien, cinq marches de ciment ne mènent nulle part. C’est tout ce qu’il reste de l’église de Saint-Thomas-de-Cherbourg. L’édifice religieux a été démoli au moment de la fermeture du village, en 1971, dans le cadre d’un projet pilote qui a rayé dix localités du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie de la carte. Quatre-vingts autres auraient dû suivre, mais les Opérations Dignité en ont décidé autrement.


Difficile de croire qu’il y a un demi-siècle, ces terres situées au pied des Chic-Chocs étaient dédiées à l’agriculture. La végétation a repris ses droits et aujourd’hui, les coupes forestières sont la seule activité dans le coin. Un peu plus loin, il y a du monde au cimetière, dont l’herbe a été fraichement coupée. Une famille originaire de Saint-Thomas est venue se promener sur les terres de sa jeunesse, qu’elle a quittée en 1969. « On est partis là où il y avait de l’ouvrage », lance un vieil homme. Une partie de cette fratrie de 13 enfants, qui vivait sur le 9e rang, s’en est allée à Timmins en Ontario.

« On est probablement la dernière génération qui va se souvenir du village », témoigne Régis Crousset, un autre natif de Saint-Thomas-de-Cherbourg parti vivre à Matane à l’âge de 19 ans. Le départ s’est fait sans tristesse, nous dit-il au téléphone : « On était déjà un peu partis, on allait à l’école à Matane depuis plusieurs années. On a toujours eu un peu la ville dans la tête même si on restait là, car c’est un village qui n’avait pas grand distraction. »

En ville, la famille Crousset (les parents et cinq enfants) est allée vivre dans une des deux rues réservées aux relocalisés des villages fermés. « C’était des logements très convenables et modernes », se souvient celui qui a ensuite été facteur pendant 30 ans. « Surtout pour les mères de famille : il y avait le poêle électrique, tandis qu’à Saint-Thomas, même quand ça a fermé en 1971, on était encore au poêle à bois. »

La nostalgie a fini par rattraper M. Crousset : il fait partie des administrateurs du groupe Facebook « Les amis de Saint-Thomas-de-Cherbourg », qui est relativement actif (1152 membres et pas moins de 13 publications dans le mois précédant l’écriture de ces lignes). Dans celui-ci, les anciens du village peuvent se remémorer des souvenirs et partager de vieilles photos. Saint-Thomas dispose également de son site internet où l’on peut notamment lire l’histoire de 16 familles passées par ce village qui n’aura vécu que 33 ans, et qui continue d’exister dans l’au-delà grâce à internet.

« Si le village était resté ouvert, peut-être qu’on ne serait pas restés si attachés, avance Régis Crousset. Il est décédé dans la fleur de l’âge, et c’est comme si les souvenirs qu’on en a étaient d’autant plus forts. »

Environ 1000 personnes, anciens habitants et leur descendance, se sont même réunies à Saint-Thomas en 2015, où un chapiteau avait été installé pour l’occasion et une messe organisée. Verra-t-on la même chose en 2021, pour la célébration des 50 ans de fermeture? Rien n’est moins sûr, puisque le virus risque encore de roder.

source : https://www.moutonnoir.com/2020/09/que-deviennent-les-villages-quon-fermes


Page liée avec Isabelle Pierre,Cherbourg

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